Les démarches prospectives dans les CODEV et les CESER

À l’occasion des 14e Rencontres des conseils de développement organisées du 14 au 15 novembre à Nancy, un atelier d’échanges entre conseils de développement et CESER a été organisé autour de la prospective territoriale

Intervenant·es :

Jean-Luc LEGER, Président du CESER Normandie et Animateur du groupe de travail Prospective de CESER de France,

Nicole GOOSENS, Animatrice du groupe de travail Prospective du CESER Normandie,

Marie-Pascale DELEUME, Animatrice du groupe de travail Prospective du CESER Bretagne,

Georges BONILLA, Membre du Conseil de Développement C3D Grand Nancy,

Jean-Jacques MADELINE, Membre du Conseil de Développement d’Estuaire et Sillon

La prospective territoriale pour identifier des futurs possibles

En préambule à cet atelier, Jean-Luc Léger a apporté une définition à la prospective territoriale, en sa qualité d’animateur du groupe de travail Prospective au sein de CESER de France. Outil d’anticipation, la prospective permet de mettre en image un territoire à l’horizon d’une date donnée (2030, 2040, 2050, …) pour préparer l’action publique et politique. Attention néanmoins à ne pas confondre « anticipation » et « prévision », l’ambition de la prospective n’étant pas de prédire l’avenir, mais d’identifier des « hypothèses » et des futurs possibles ! Cela demande une ouverture d’esprit et une capacité à prendre de la hauteur dans sa posture.

Jean-Luc Léger a souligné le caractère ludique du travail prospectif, en particulier lorsqu’il s’agit imaginer des scénarios catastrophes.

“Sortir de l’esclavage du quotidien est indispensable pour gérer le changement dans le sens du souhaitable” Hugues De Jouvenel, Invitation à la prospective, 2004

La loi 3DS, votée en 2022, a fait entrer la prospective territoriale dans le champ de compétence des CESER. Les CESER mènent des démarches prospectives depuis bien plus longtemps : le CESER Bretagne a publié ses premiers travaux prospectifs en 1997 et le CESER Normandie y consacre un groupe de travail depuis plus de deux décennies. Tous les conseils de développement ne se sont pas encore emparés de ce champ de recherche, même si les réflexions sur l’avenir et l’exploration des futurs possibles prennent une place croissante dans leurs travaux.

 

Les usages du sol en Bretagne : une prospective à l’horizon 2060 à partir de 4 scénarios

Pour le CESER Bretagne, la prospective peut permettre de se faire entendre, mais à la condition d’avoir une méthodologie solide. Il faut pour cela définir un sujet et le structurer, notamment en menant une veille informative permanente et en définissant un cahier des charges avec une attention particulière sur le calendrier à mener. Par la suite, la base du travail est d’identifier les variables, les tendances lourdes, mais aussi les signaux faibles et les ruptures qui vont permettre de dessiner des scénarios. Le CESER Bretagne a pour habitude de construire quatre scénarios. La méthode des scénarios dans le travail prospectif permet de définir des chemins à explorer à destination des décideur·euses politiques.  

Un point de vigilance souligné par le CESER Bretagne : le travail prospectif nécessite une équipe motivée et assidue, capable d’une certaine ouverture d’esprit, débarrassée des postures habituelles. Cependant, il faut avoir conscience qu’il s’agit d’un processus long et qu’il y a le risque de se perdre en chemin.  

 

Habiter en Normandie en 2040 : créer les leviersp pour l’acceptation des politiques publiques

Cette publication s’inscrit dans une réflexion plus large du CESER Normandie sur « habiter la Normandie de demain ». Ici la date de 2040 s’est imposée car il s’agit de la période où les enfants nés aujourd’hui entreront dans la vie active. Ce travail s’articule autour de la notion de “bien-vivre”, avec une approche par le prisme de l’activité touristique face au changement climatique, pour se pencher ensuite sur la question de l’habitat et ses enjeux connexes.  

La méthodologie de travail s’est construite autour de quatre scénarios construits autour d’un postulat : « l’inédit est notre quotidien ».  

Le CESER Normandie soulève également qu’il existe un réel débat quant à la méthode de travail : faut-il associer l’exécutif à ce processus ? Pour son Président, la question est vite répondue : il faut emmener et accompagner l’exécutif. La prospective n’est pas qu’un simple travail de production intellectuelle et esthétique, il s’agit véritablement de créer les leviers qui vont permettre l’acceptation de politiques publiques telles que le ZAN.  

  

 

2050, le chemin des possibles – Carnet de voyages du C3D du Grand Nancy

Ce travail s’est fait suite à une sollicitation de la collectivité à « réfléchir aux futurs du territoire ». Afin de répondre à cette demande, le C3D a fait le pari d’exprimer une vision du futur avec une approche intuitive. Cette non-méthode s’est concrétisée par un appel à rédaction de nouvelles sur ce que pourrait être la vie en 2050. Un appel qui a été entendu, car un grand nombre de manuscrits a été reçu. Articulés avec des apports de grands témoins (sociologue, journaliste, ingénieur, architecte, …) pour faciliter la « libération des esprits », ces nouvelles ont ensuite été mises en valeur par un travail d’illustration. Le livrable final a pris la forme d’un carnet de voyages explorant le chemin des possibles. Une méthode atypique qui a conquis le public de cet atelier qui a réservé une belle salve d’applaudissements à la fin de la présentation de Georges Bonilla.  

  

 

Nous serons heureux en 2050… Contribution des 5 conseils de Développement du pôle métropolitain de Nantes Saint-Nazaire (la CARENE)

Ce travail est le fruit d’une saisine des élu.es sur le Schéma de Cohérence Territorial (SCoT), à laquelle les membres des Codev ont décidé de répondre par un “pas de côté”. Cette production “express” (seulement six mois de travail) a tenté par une approche immersive de se questionner : Quel rapport à l’utopie dans la vision du futur ? Quels seront les modes de vie ? Quelles causes à défendre en 2050 ? Tout en conservant leur volonté de rédiger un récit positif, et de garder la singularité de chaque territoire.  

La volonté derrière ce travail a également été de produire un effet de surprise aux élu.es en faisant ce “pas de côté”. Le document n’a pas été envoyé aux élu.es en amont, la découverte s’est faite lors de la présentation avec pour objectif de provoquer l’écoute et l’étonnement de l’auditoire face à cette production qui détonne.  

  


Quelle diffusion des travaux ?

Plusieurs Codev se sont posé la question du financement des travaux d’expérimentations prospectives et des publications présentées. Et comment en assurer la diffusion ? Pour les deux Codev à la tribune, leurs travaux sont le fruit de saisines de la part de leurs collectivités respectives, ainsi ils ont pu dégager un budget supplémentaire pour mener leurs productions. Concernant la diffusion, les publications des Codev comme celles des CESER sont disponibles en accès libre et gratuit sur leurs sites internet et pour les versions papiers, se sont principalement les réseaux institutionnels qui ont été employés (médiathèques, université, collectivités, …). Aussi, les membres en reçoivent un exemplaire et les publications sont distribuées aux élu.es. Les citoyen·nes peuvent obtenir un exemplaire sur demande, dans la limite des stocks disponibles.

La question de la réception de ces travaux par les élu·es s’est également posée

 Quelle(s) différence(s) par rapport à des publications plus “traditionnelles” ?

Pour le CESER de Normandie, il est difficile de quantifier la prise en considération des productions par les élu·es. Néanmoins, même si sur le moment, ils ne semblent pas mobilisés, les idées infusent et on les retrouve chemin faisant dans les politiques publiques. Aussi, si les élu.es forment le public cible de ces productions, il ne faut pas omettre qu’elles sont également à destination des citoyen·nes. En ce sens, la prospective permet le débat et de rapprocher les élu.es et les citoyen·nes. 

Le CESER de Bretagne précise que la question de la réception du travail par les élu.es dépend également de la méthode de travail employée. Dans la majorité de leurs productions, il y a un dialogue constant avec les élu·es dans la construction des avis. C’était le cas sur le dernier en date sur la question des sols, qui s’est fait dans le contexte de la mise en place du ZAN et de la rédaction du SRADDET. 

Dessin de Axel MARTELLEUR sur l'atelier CESER CODEV 2023

© Axel MARTELLEUR