Les promesses de la démocratie intercommunale : vers une nouvelle reliance

Intervention de Martin Vanier

Martin Vanier, géographe, chercheur et consultant, est intervenu dans le cadre de la Journée nationale des conseils de développement, sur le thème des « promesses de la démocratie intercommunale…au temps des liens ? ». Sa réflexion développée dans son dernier ouvrage Le temps des liens : Essai sur l’anti-fracture s’ancre dans une analyse profonde de la transformation nécessaire des approches politiques, face à un contexte marqué par la montée du populisme et la complexité sociétale croissante.

De la fracture à la reliance

Martin Vanier débute son propos par un constat clair : la politique basée sur la dénonciation et la protestation, centrée sur la « culture de la fracture », a atteint ses limites. Cette approche, qui nourrit la colère et la division, finit par laisser le champ libre aux discours populistes. Il souligne que la reliance, la capacité à établir et renforcer les liens entre individus, communautés, territoires et le vivant, doit devenir le pilier des actions politiques et citoyennes.

Inspiré par le sociologue Marcel Bolle De Bal et Edgar Morin, Martin Vanier voit dans la reliance un levier d’action politique. Elle n’est pas simplement un appel à « vivre ensemble », mais une stratégie pour transformer les liens en objets de politique active, où les inégalités et les injustices sont abordées par le renforcement des relations et de la compréhension mutuelle.

Renouveler notre regard sur l’espace et le territoire

Le deuxième point abordé par Martin Vanier est la nécessité de repenser notre perception de l’espace social et territorial. Les catégories traditionnelles telles qu’urbain-rural ou centre-périphérie ne suffisent plus et participent même à la polarisation. Il appelle à utiliser de nouveaux termes comme « lignes de vie », « archipel citoyen » et « bien commun territorial », pour mieux capturer la réalité des dynamiques sociales et territoriales actuelles. Cette nouvelle géographie met en avant la fluidité des expériences vécues et la pluralité des identités spatiales.

Transformation personnelle et collective : un défi politique

Enfin, Martin Vanier conclut sur la nécessité d’une transformation, tant individuelle que collective. Selon lui, la capacité à se réinventer et à s’adapter est essentielle pour tous, des élus aux citoyens. Cette transformation doit être guidée par la médiation et une compréhension accrue de la complexité. Il met en garde contre la simplification radicale qui alimente le populisme et plaide pour un engagement politique basé sur la construction de liens justes et sur l’acceptation de la complexité.

Martin Vanier soutient que les conseils de développement ont un rôle clé à jouer en tant qu’espaces de médiation et de dialogue, capables de traduire la complexité en actions concrètes et justes. La responsabilité collective et la quête de justice qu’elle soit écologique, sociale ou économique sont, selon lui, au cœur des transformations à venir.

Échanges avec la salle

Suite à l’intervention de Martin Vanier de nombreux échanges avec le public ont été fait, ce qui a permis d’approfondir la réflexion sur les défis des conseils de développement (codev) et leur rôle dans la société.

Émilie Hubert a soulevé la difficulté de réinventer le vocabulaire et de repenser la représentativité des codev. Elle s’est interrogée sur la légitimité de ces instances à initier ce type de changement.

Béatrice Auxent a mis en lumière l’importance de la confiance réciproque entre élus et citoyens. Elle a suggéré d’adopter le concept de « bien commun territorial » pour aborder des questions segmentées telles que l’eau ou l’alimentation, en englobant ces thèmes sous un cadre commun.

Marilyne Mangili-Doucé a insisté sur le rôle central de l’eau en tant que « ligne de vie » et a interrogé Vanier sur la définition de l’espace politique de la reliance, en soulignant la rigidité des limites administratives.

François Pernette a exprimé des doutes sur la représentativité des grands codev comme celui du Grand Paris. Il a plaidé pour une meilleure intégration des élus dans le processus et a questionné la pertinence du terme « développement », qui pourrait ne plus refléter la mission actuelle des codev.

Martin Vanier a rappelé que les conseils de développement sont le produit d’une époque révolue et qu’il est crucial de réviser leur mission et leur vocabulaire. Selon lui, le terme « transformation » doit être enrichi pour refléter la réalité des changements à venir. Il a proposé l’idée de « redirection », qui permet une adaptation plus concrète.

Il a également souligné que les membres des codev ne devraient pas chercher à représenter au sens strict, mais plutôt à agir comme médiateurs, rendant la complexité accessible à tous. Quant à l’espace politique de la reliance, Vanier a affirmé qu’il est défini par les initiatives locales et l’engagement collectif.

Faire de la reliance une promesse réalisée

Les échanges ont révélé un consensus sur la nécessité de repenser la structure, le vocabulaire et la mission des codev pour mieux incarner la reliance. Martin Vanier a conclu en affirmant que « l’espace politique de la reliance » dépend des initiatives locales et de la manière dont les citoyens, les élus et les instances intermédiaires collaborent pour construire un avenir plus juste et connecté. Cette démarche, loin d’être prescrite, doit émerger des initiatives collectives et être soutenue par un engagement commun vers la transformation et la justice sociale.

Les promesses de la démocratie intercommunale… au temps des liens ?