Comment améliorer la place des personnes âgées dans notre société ?

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Le gouvernement lance une nouvelle consultation citoyenne sur la place des personnes âgées dans notre société. En 2018, la Coordination nationale des Conseils de développement a contribué à la consultation lancée dans le cadre du plan « grand âge et autonomie ». Les préconisations de cette contribution restent d’actualité.

Associer les citoyens à la construction d’une société plus accueillante pour nos aînés

En octobre 2018, Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, proposait une consultation citoyenne sur le thème « comment prendre soin de nos aînés » pour alimenter la stratégie « vieillir en bonne santé 2020-2022 ».

Téléchargez le rapport de la concertation Grand âge et autonomie rédigé par Dominique Libault.

2 ans plus tard, Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l’Autonomie, lance une consultation citoyenne de 8 semaines sur la plateforme make.org, pour «  repenser la place des aînés dans notre société, afin de leur offrir un avenir plus digne et plus épanouissant » et alimenter le futur projet de loi Grand âge et autonomie.

Comment prendre soin de nos aînés ? Une réponse collective des conseils de développement

En décembre 2018, la Coordination nationale des conseils de développement a recueilli dans un temps court les travaux réalisés depuis 2010 par 19 Conseils de développement représentatifs du territoire métropolitain et en a fait une synthèse, illustrée par des exemples concrets.

Cette contribution a été adressée au Ministère de la santé pour alimenter la consultation sur les politiques de santé et de vieillissement lancée fin septembre 2018.

La crise qui s’annonce, marquée par la fermeture des maisons de retraite associatives et municipales et le développement du secteur marchand, inquiète largement dans tous les territoires. Chacun se doute que le financement « à la personne », dans un contexte de réduction des budgets des collectivités locales, ne suffira pas à endiguer la hausse exponentielle des coûts et les problèmes récurrents de ce nouveau modèle économique : gestion au plus près de la masse salariale, rationalisation des services et des soins, entraînant une pression sur le personnel et des risques de maltraitance, comme l’ont montré les mouvements sociaux dans le secteur au cours des années 2018.

Anticiper la question du vieillissement

La plupart des conseils de développement qui ont engagé une réflexion sur le vieillissement l’ont contextualisée avec les statistiques et les données disponibles, de façon à ancrer les problématiques locales dans une réalité globale.

A l’échelle mondiale, les projections prévoient le doublement du nombre de personnes âgées de 60 ans et plus d’ici 2050, passant de 901 millions en 2015 à 2,1 milliards. Ce vieillissement de la population est un phénomène qui touche désormais la plupart des pays et plus particulièrement les pays européens. Si l’ensemble des territoires est concerné, les milieux urbains, qui connaissent une concentration des populations, le seront davantage.

A l’échelle nationale, la France se situe à un niveau proche de la moyenne européenne, en-dessous de l’Italie (20 %), de l’Allemagne (19 %) ou encore de la Suède (17 %), avec des disparités régionales et locales reflétées par les travaux de Conseils de développement.

A l’échelle locale, les territoires s’inscrivent, dans la tendance mondiale et nationale de vieillissement, mais avec des variations territoriales. Certains soulignent un vieillissement endogène, d’autres, comme l’agglomération de La Rochelle, voient arriver des populations extérieures en recherche d’une meilleure qualité de vie.

En termes d’évolution, à l’instar des pays développés et spécifiquement de la France, la majorité des territoires analysés anticipe une augmentation significative des personnes de 60 ans et surtout de plus de 75 ans. Cette évolution, associée à une espérance de vie favorable, génère une augmentation des catégories très âgées, qui laisse présager une forte augmentation du nombre de personnes âgées dépendantes. L’âge moyen de la perte d’autonomie se situe autour de 83 – 84 ans.  Toutefois, selon les territoires ce vieillissement est contrasté, notamment pour ceux qui profitent de dynamiques démographiques, en bénéficiant d’un apport migratoire de population jeunes.

Toutefois, ces regards statistiques, voire biologiques, ne décrivent qu’une approche statique du phénomène de vieillissement et sont donc insuffisants pour rendre compte des évolutions sociales et d’espérance de vie des personnes, et par conséquent des besoins et attentes à satisfaire, mais aussi de ce qu’ils sont susceptibles d’apporter à leur territoire. Beaucoup notent ainsi qu’ils sont une réelle ressource, tant sociale qu’économique, qu’il convient d’analyser précisément.

Vu des conseils de développement, la question du vieillissement ne peut se réduire à traiter seulement de la question des plus âgé∙es. Ainsi les travaux des conseils nous montrent-ils que le passage au très grand âge et à la dépendance doit se préparer bien en amont, d’abord par celles et ceux qui sont les plus concerné∙es : les jeunes retraité∙es, dont les études nous montrent que ce sont elles et eux qui sont le plus souvent en charge des parents très âgés, mais aussi les familles qui doivent être tôt informées des difficultés administratives et financières qui se posent si l’on veut bien accompagner les parents et grands-parents dans leurs dernières années.

Prendre en compte les particularités territoriales

Le vieillissement de la population a des répercussions différentes dans les territoires urbains, ruraux ou périphériques. Il exprime des besoins multiples, pose des questions sociales, intergénérationnelles, de prise en charge, d’équilibre démographique, financier qu’il importe d’anticiper le plus tôt possible. Pourtant, même si ce phénomène est connu depuis plusieurs années, les mesures nécessaires tardent à être mises en œuvre, car cela n’est pas jugé prioritaire.

Les travaux des conseils de développement démontrent que les réponses portées aux questions de vieillissement et les solutions sont très diverses selon les territoires. En zone littorale, les retraité∙es sont accueilli∙es comme une ressource pour l’économie locale, justifiant des efforts pour améliorer l’accueil et l’urbanité des lieux jusqu’à leur fin de vie. En zone rurale qualifiée de « désert médical », les solidarités locales permettent de créer des petits lieux d’accueil de proximité et sauvegarder le lien avec les familles. Ailleurs, on s’intéresse à la domotique, aux transports, au logement, aux services à la personne, aux repas, à l’accompagnement de la fin de vie et du deuil.

Le constat effectué au travers d’enquêtes menées par les conseils de développement concernant la prise en charge des aînés relève que celle-ci est disparate et marquée par une sectorisation des secteurs, des types d’aides et des acteurs. Elle perd ainsi en efficacité et en lisibilité. Plusieurs conseils de développement appellent à une meilleure coordination.

Les enjeux et défis à relever sont donc multiples, souvent interdépendants : habitat, économie, qualité de vie. Les acteurs du territoire, que sont les conseils de développement, y répondent par des propositions concrètes, adaptées aux situations locales et à la diversité des populations concernées.

Axes de préconisation issus de notre contribution

Faire face à la crise des EPHAD

Certains conseils de développements alertent sur la crise des EHPAD, marquée par la disparition ou le rachat des anciennes maisons de retraite associatives ou publiques, l’envol des coûts et le risque que le modèle économique se traduisent à terme par la rationalisation des services, au risque de la maltraitance des pensionnaires.

Ils préconisent de :

  1. Maintenir des équipements publics et associatifs de proximité, surtout en zone rurale
  2. Plafonner et encadrer les coûts

Partout en France et en particulier dans les grandes métropoles, les familles subissent un coût de plus en plus élevé des maisons de retraites et EHPAD dans le secteur privé. Le système actuel complexe d’accompagnement à la perte d’autonomie (APA) est insuffisamment organisé et entraîne d’importantes différences de traitement selon la situation géographique des personnes, notamment en zone rurale. Le « reste à charge » est difficilement supportable pour les bénéficiaires de retraites modestes voire moyennes, accentué par l’augmentation du coût des services plus rapide que celle des avantages vieillesse et la suppression du crédit d’impôt. Les « déserts médicaux » accentue ces inégalités territoriales.

  1. Proposer un accueil universel en fonction des revenus, mais sans recours au patrimoine qui doit rester un bien transmissible aux descendant.es

Une étude de la DRESS (2018) indique qu’un tiers des personnes âgées doit puiser dans son épargne ou vendre une partie de son patrimoine pour payer son hébergement dans un établissement spécialisé. 11 % sont aidés par leurs proches. La privatisation des EHPAD est un réel problème et risque de provoquer une crise majeure de l’hébergement : il apparaît donc nécessaire de maintenir un service public d’accueil (associatif, municipal ou départemental) tout en développant les ressources de l’économie sociale et solidaire et l’initiative individuelle.

Favoriser le maintien à domicile

Tous les conseils de développement enregistrent le souhait majoritaire des personnes âgées de rester à domicile. Parmi les freins à ce maintien, ils identifient le cloisonnement des professions, la faible implication des médecins généralistes, la complexité de l’accès à l’information. Une réglementation tatillonne empêche parfois le développement des initiatives individuelles ou associatives. Il faut donc adapter les appels à projets aux territoires afin de donner plus de souplesse à un accompagnement personnalisé.

  1. Revaloriser le rôle des aidants familiaux

Les Conseils de développement insistent sur le rôle 4,3 millions d’aidants familiaux en France auprès de personnes âgées. Ce travail majoritairement bénévole est insuffisamment reconnu. Leurs rémunérations, exonérations ou indemnisations méritent d’être revus à la hausse, ainsi que leur inscription dans des réseaux, pour bénéficier d’un accompagnement et d’une formation. Cela permettrait de valoriser leur grande utilité sociale, pour un coût public très faible.

La prise en charge de patients dépendants à domicile, l’intérêt d’assouplir le cloisonnement entre domicile et institution, la prégnance de situations de perte d’autonomie et de dépendance mettent en évidence l’intérêt de structures de type « halte répit » par exemple pour les patients atteints de symptômes de type Alzheimer. Il faudrait développer des structures d’accueil de jour ou temporaires, permettant de proposer une prise en charge adaptée des patient∙es pendant la journée, et de permettre un répit pour les aidant∙es.

  1. Développer les familles d’accueil et les microstructures accueillant les personnes âgées à proximité de leur domicile

Les accueillant∙es familiaux∙ales sont des personnes agréées pour recevoir chez elles des personnes âgées dépendantes tout en bénéficiant d’un suivi socio-médical assuré par le département. Le coût de l’accueil est moins élevé qu’en établissement et procure un revenu à la personne accueillante qui met à disposition une partie de sa maison. L’association des accueillants familiaux recrute des personnels remplaçants pour soulager les familles d’accueil, rémunérés en chèques emplois services. Les familles d’accueil sont souvent situées en milieu rural et reçoivent aussi bien des personnes âgées dont la famille est proche que d’autres habitants en zone urbaines.

  1. Mettre en place une organisation territoriale au plus près de chaque personne
  2. Former les médecins généralistes, les professions de la santé et du travail social et des familles aux enjeux prioritaires du maintien à domicile

Repenser les villes, les modes d’habitat, adapter les transports

Les conseils de développement encouragent le maintien des personnes âgées à domicile par un aménagement adapté à leurs modes de vie, concrétisé par une charte « vieillir près de chez soi », garantie par les pouvoirs locaux.

La mobilité des seniors conditionne leur maintien à domicile, leur capacité à rester autonome, à entretenir des liens sociaux… Plusieurs Conseils de développement constatent que moins les personnes âgées se déplacent, plus leur état se dégrade, plus elles vieillissent et plus elles rencontrent de difficultés à se déplacer (freins physiques, matériels, cognitifs). Ce qui n’est pas forcément en lien avec l’offre de transports.

Les besoins en matière de logement apparaissent comme centraux pour de nombreux acteurs qui, de fait, développent un ensemble de catégories et modes d’habitat en mettant en évidence les évolutions innovantes et les tendances prospectives. Elles vont des diverses possibilités de maintien à domicile avec adaptation ou colocation, en logements individuels ou collectifs, à l’habitat collectif avec services, en passant par l’accueil temporaire, etc.

Dans plusieurs travaux des conseils de développement, il est souligné que la question du vieillissement amène à repenser l’ensemble des villes, des bassins de vie, des lieux et des modes d’habitat et de leurs aménagements, avec un regard pragmatique et prospectif afin de réaliser les adaptations nécessaires à l’évolution démographique.

  1. Proposer des solutions innovantes d’habitat partagé et solidaire

Plusieurs formes d’habitat partagé, participatif, pouvant être temporaire, sont proposées à la fois en milieu urbain et rural : cohabitation / colocation entre seniors, cohabitation intergénérationnelle, accueil familial. Elles peuvent contribuer à lutter contre l’isolement, amoindrir les coûts d’hébergement, favoriser les liens sociaux, échanger les savoirs. Elles nécessitent des temps d’adaptation, d’expérimentation, la proximité pouvant être source de tensions, poser des problèmes de sécurité, nécessiter la confiance,… L’intervention d‘un intermédiaire peut permettre d’aplanir les difficultés.

  1. Adapter les logements

Pour que les personnes âgées puissent rester à domicile, des aides doivent être proposées pour équiper et adapter les logements. La domotique peut permettre d’intégrer les innovations technologiques et apporter davantage de sécurité, de confort.

  1. Adapter les transports, les mobilités et le mobilier urbain

La question du vieillissement amène à repenser l’ensemble des villes, des bassins de vie, des lieux et des modes d’habitat et de leurs aménagements, avec un regard pragmatique et prospectif afin de réaliser les adaptations nécessaires à l’évolution démographique. Dans la prise en compte du vieillissement, quelques Conseils de Développement abordent la question du numérique, soit pour remarquer que celui-ci est susceptible de proposer des services, soit que les aîné.e.s, comme l’ensemble de la population vivent dans un monde numérique, auquel un grand nombre n’est pas encore familiarisé (automatisation, dématérialisation) et risque d’être marginalisé, voire exclu. Les propositions portent alors sur l’amélioration des services et la facilitation de leur accès.

  1. Véhicules individuels adaptés et transports alternatifs et solidaires en milieu rural et en grande périphérie

S’il convient de « maintenir un esprit de service public », il ne saurait se substituer aux réseaux familiaux et de voisinage. Il s’agit notamment de développer des alternatives à la voiture et d’offrir des possibilités diversifiées de transports en commun (transports adaptés, solidaires, à la demande,..).

Améliorer la qualité de vie des seniors

Les conseils de développement demandent que soit reconnu et chiffré l’apport des seniors à l’économie nationale et au lien social, en particulier celui des femmes.

  1. Maintenir la pension de réversion à taux plein pour les femmes qui ont ou ont eu des fonctions d’aide familiale auprès de leurs petits-enfants, enfants en situation de handicap, personnes âgées, sur simple justificatif
  2. Créer une ligne budgétaire pour les loisirs sportifs et culturels des seniors

Le fait de participer à des activités et d’y prendre plaisir, de partager des moments réguliers de vie sociale avec le monde environnant (quartier, vie communale, activités intergénérationnelles, loisirs) semble primordial pour le maintien des personnes dans une démarche d’autonomie

  1. Mettre en place au niveau national un programme d’actions financées pour l’accompagnement de la fin de vie et au deuil

 

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