Les Conseils de développement 2020-2040

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Les Conseils de développement 2020-2040 : vers une nouvelle étape pour relever les défis écologiques, sociétaux et démocratiques

Le 6 février 2020, 49 Conseils de développement de territoires ruraux, urbains, périurbains, soit 100 participant·es – bénévoles et techncien·nes ont participé à une journée de réflexion sur l’avenir des Conseils de développement.

Découvrez la synthèse de la journée

 

Journées et rencontres nationalesLa journée a été introduite par Dominique Valck et Yves Londechamp. Les co-présidents ont rappelé les incidences de la loi Engagement et Proximité pour les Conseils de développement. Le principal changement est la modification du seuil à partir duquel un Conseil de développement est obligatoire (50 000 habitants au lieu de 20 000 habitants). Les Conseils de développement dans les intercommunalités de moins de 50 000 habitants nécessiteront d’être accompagnés et soutenus pour assurer leur pérennité. La loi introduit une nouveauté : le conseil communautaire doit mettre en débat et prendre une délibération sur les des modalités de consultation du Conseil de développement et d’association de la population à la conception, à la mise en œuvre ou à l’évaluation des politiques de l’établissement public. Le renouvellement des Conseils de développement est donc une occasion à saisir pour faire un bilan et évaluer les actions menées, proposer des pistes d’évolution, travailler de manière plus collaborative avec les élu∙es en précisant un cadre de coopération, dès l’installation des conseils communautaires.

La mobilisation massive des Conseils de développement dans le cadre de la loi Engagement et Proximité a montré l’intérêt de faire réseau pour être audibles et mieux coordonner les actions. Les co-présidents relèvent 3 enjeux majeurs sur lesquels il leur semble important de construire un discours national :

  •  La transition écologique et énergétique. Pour passer des intentions aux actes, les territoires devront articulés davantage politiques publiques et décisions individuelles. Les Conseils de développement ont un rôle à jouer pour faire le pont entre les politiques publiques et les actions concrètes, mettre en réseau les acteurs, sensibiliser et mobiliser les citoyen∙nes,… Au niveau national, nous proposons de collecter les différentes expériences menées notamment dans le cadre des PCAET pour formuler des propositions de portée nationale.
  • La ruralité. La CNCD a participé depuis le début au Collectif des Voix de la Ruralité, rassemblant élu∙es et acteurs associatifs, et dont les travaux ont débouché sur la définition d’une politique nationale pour la ruralité dite Agenda rural, sur la création de l’Agence Nationale pour la Cohésion des Territoires et sur la naissance d’un Parlement rural pour suivre les actions mises en place. Il s’agit de densifier notre discours national sur les spécificités de ces territoires, leurs points forts, leurs fragilités pour identifier des propositions d’actions adaptées.
  • La transition démocratique et la citoyenneté. Il est urgent de pacifier une société devenue éruptive et de rendre la décision publique plus collaborative Les Conseils de développement, à l’interface entre le pouvoir politique et les citoyen∙nes, peuvent jouer un rôle de médiation entre citoyen∙nes et décideurs à l’échelle des bassins de vie. Ils peuvent amplifier et démultiplier ces actions en travaillant en réseau avec les instances de participation communales et les acteurs intervenant dans l’action sociale et la citoyenneté.

Ces trois domaines illustrent le fait que la réflexion sur les politiques publiques (le think tank) et les modalités d’exécution de ces politiques (le do tank) sont de plus en plus intriquées. Les Conseils de développement sont engagés, depuis longtemps pour certains, dans cette diversification de leurs modes d’intervention ou de leurs missions. Cette diversité de profils nécessite d’être mise en lumière pour construire un discours national.

Journées et rencontres nationalesSamuel Aubin, sociologue et chargé de projet de recherches au Collège des transitions sociétales, coordinateur du programme Transition énergétique et sociétale, a proposé un éclairage sur les grands défis environnementaux, sociétaux et démocratiques qui se posent pour les territoires et les Conseils de développement.

De l’urgence climatique à l’urgence démocratique, les symptômes sont de plus en plus visibles. Nos sociétés sont interpelées par une crise systémique et de nouvelles dynamiques, qui appellent à repenser notre rapport au monde et transformer en profondeur nos modes de vie :

  • Crise climatique : comment poursuivre les efforts pour se préparer à gérer les transitions ? Quelles en sont les implications pour les territoires, leur cadre organisationnel, leurs dirigeants et élus ? Comment entrer dans une action concrète ?
  • Raréfaction des ressources : notre modèle économique, actuellement fondé sur des ressources illimitées, est appelé à se transformer. Où sont les ressources ? Comment gérer des ressources plus rares ?
  • Montée de l’individualisme, articulation entre l’individu et le collectif : comment construire du collectif dans une « société des individus » ? Les formes d’organisations collectives qui étaient en place dans les années 1960 nécessitent d’être réinventées, pour imaginer de nouvelles façons de décider ensemble
  • Crise du système démocratique représentatif. Dans un contexte de délitement des collectifs, les individus ont le sentiment de ne pas être représentés dans l’espace public.
  • Un sentiment que les inégalités s’accroissent. Considérées comme naturelles à l’époque de l’ancien régime, elles sont aujourd’hui vécues personnellement, en lien avec des trajectoires de vie. Les personnes qui ressentent ces inégalités ont le sentiment de ne pas être entendu ni compris, d’où une colère profonde. Comment construit-on une représentation de ces vécus personnels et de ces trajectoires ?

Dans ce contexte, comment les territoires peuvent-ils intervenir pour répondre aux enjeux environnementaux et sociétaux ? Quels champs les Conseils de développement peuvent-ils explorer pour accompagner les dynamiques en cours ?

Quelques idées abordées

  • Redéfinir les modalités de participation et impliquer davantage les citoyen∙nes dans les instances de prise de décision. Le tirage au sort, pratique politique ancienne, retrouve une certaine popularité, avec notamment l’actualité marquée par la Convention Citoyenne pour le Climat. Y recourir permettrait à une large fraction de la population qui ne s’exprime pas et qui n’est plus représentée par les élu∙es, de participer au débat démocratique . Pour les Conseils de développement, il s’agit donc de réfléchir à un positionnement, dans un agencement plus large.
  • Mettre en capacité les habitant∙es et citoyen∙nes pour transformer leurs modes de vie
  • Faire ensemble, coopérer à l’échelle des territoires

Idées à explorer pour les Conseils de développement

  • En interne, travailler sur la dimension relationnelle pour construire des relations de qualité
  • Revoir la composition du Conseil de développement en intégrant des acteurs et des personnes qui sont en capacité de s’impliquer, entrer en discussion et porter la coopération au sein de leur organisation (lorsqu’ils siègent au titre d’une organisation).
  • Définir le positionnement du Conseil de développement par rapport aux autres dispositifs participatifs sur le territoire. Anticiper un nouveau positionnement pour ne pas être dans une situation de concurrence.
  • Formaliser le dispositif pour le rendre plus solide et robuste aux jeux de pouvoir, en revendiquant une forme d’indépendance, des moyens de fonctionnement,…

Lecture conseillée pour aller plus loin :
Manin Bernard, Principes du gouvernement représentatif, Champs essais, 2019 (nouvelle édition)
Dubet François, Le Temps des passions tristes, La République des idées, 2019
Rosanvallon Pierre, Le parlement des invisibles, Seuil, 2014
Sintomer Yves, cf. travaux sur le tirage au sort

Site internet du Programme Transition énergétique et sociétale

Journées et rencontres nationalesLa journée du 6 février 2020 s’est poursuivie par un travail collectif sur les profils des Conseils de développement.

En amont, un groupe de technicien·nes de Conseil de développement* a travaillé durant 3 séances sur les positionnements des Conseils de développement en regard de l’intercommunalité ou du PETR de rattachement et leur capacité à faciliter la coopération sur le territoire pour relever les défis sociétaux et écologiques. Les relations mises en place et le rapport au territoire ont une influence directe sur le fonctionnement de l’instance.

Schéma et profils des codev

Tout en se positionnant aux côtés des élus pour enrichir la décision politique, au service des territoires et de l’intérêt général, les Conseils de développement s’orientent vers d’autres fonctions qui ne sont pas explicitement prévues par la loi et que nous avions commencé à explorer dans le vade-mecum publié en 2016.

Un Conseil de développement peut combiner plusieurs profils, souvent avec une dominante et des profils adoptés de manière temporaire, en fonction des périodes, des thématiques de travail, des méthodologies utilisées,… Multiplier les profils peut entrainer une perte de lisibilité et d’épuisement des membres du Conseil de développement : il est donc nécessaire de faire des choix en concertation avec les élu∙es et les services.

Pour chaque profil, des facteurs de réussite et des points de vigilance ont été identifiés.

Le conseil de développement contributeur

Le Conseil de développement contributeur est un acteur de la co-construction des politiques publiques à toutes les phases: diagnostic, mise en œuvre, évaluation.

Il apporte un regard citoyen et souvent « interpellateur et décalé » sur les politiques publiques, un regard «sensible» et complémentaire aux regards des experts, construit à partir des réalités vécues et ressenties par les acteurs et habitants du territoire (expertise d’usage).

Il enrichit les diagnostics par le repérage d’acteurs « agissants » sur la thématique, et s’assure de leur implication à toutes les phases d’élaboration de la politique publique. Par ses travaux, il contribue à faire connaitre l’intercommunalité, en informant les habitant∙es et acteur∙rices du territoire.

Cette posture correspond à la mission inscrite dans la loi : contribuer à la construction des politiques publiques, ce qui est essentiel pour asseoir la légitimité de l’instance.

Le conseil de développement révélateur des transformations

Le Conseil de développement révélateur des transformations est à l’écoute des signaux faibles perçus dans la société pour mettre en lumière les transformations en cours. Lanceur d’alerte territorial, il révèle l’inaperçu, l’impensé, le non-dit ou des sujets sensibles ingérables par les services de l’intercommunalité, en apportant un regard transversal et systémique ainsi qu’une vision d’ensemble, synthétique et élaborée.

Porteur de parole citoyenne et caisse de résonance des attentes sociétales, le Conseil de développement fait remonter les attentes des acteurs du territoire et des habitant∙es, notamment des publics peu mobilisés dans les démarches de démocratie participative. Il apporte une vision citoyenne à des sujets qui étaient perçus jusqu’à présent sous un angle technique.

Acteur de la prospective territoriale, reconnu par la collectivité, le Conseil de développement a « un coup d’avance » : il peut anticiper les colères et tensions sur le territoire.

Il participe à la sensibilisation des élus et agents aux nouvelles manières d’agir, par le dialogue et la mise en situation.
Maison du temps long, il garde en mémoire la réflexion et l’histoire du territoire. Il valorise ses contributions auprès du grand public, dans une logique d’éducation populaire.

Le conseil de développement facilitateur

Le Conseil de développement facilitateur est un accélérateur des initiatives et des projets, un apporteur de projets et un incubateur de réseau au service des initiatives citoyennes. Il anime une communauté d’acteurs pour favoriser les coopérations sur le territoire. Il identifie les acteurs agissants sur une thématique et les nouveaux porteurs d’initiatives, les met en relation, créée des liens, assure une mise en transversalité, permet des hybridations entre acteurs.

Il complète la cartographie des acteurs établie par l’intercommunalité, notamment en prospectant de nouvelles initiatives citoyennes.

Il est une nouvelle porte d’entrée pour les acteurs vers l’intercommunalité. Son indépendance lui permet de recueillir plus facilement les besoins des acteurs et de les transmettre aux services.

La posture de facilitateur peut servir d’étape pour un Conseil de développement qui souhaiterait adopter un des autres profils : porteur de projetrévélateur des transformations ou contributeur.

Le Conseil de développement médiateur

Le Conseil de développement médiateur crée les conditions d’un dialogue entre les acteurs, les habitant∙es et les instances participatives du territoire. Lieu de débat apaisé reconnu par la collectivité, il met en relation des acteurs d’horizons pluriels pour les faire dialoguer sur des thématiques diverses, en garantissant une prise en compte d’une pluralité de points de vue.

Le Conseil de développement permet de concilier une diversité d’opinions au sein du territoire et contribue à apaiser les tensions, dans une société où le conflit est de plus en plus présent Il contribue au décloisonnement des politiques publiques, en permettant d’amorcer un dialogue transversal avec les services, entre les services et avec les élu∙es.

Il organise des évènements, des débats pour faire dialoguer des groupes sociaux qui n’ont pas forcément l’occasion de se rencontrer.
Par les méthodes utilisées, le Conseil de développement permet d’apporter un éclairage à 360 degrés sur les problématiques et de prendre le recul nécessaire pour sortir de situations conflictuelles voire rechercher un compromis.

Le Conseil de développement est un acteur clé pour diffuser des informations, de manière neutre et en assurant une continuité entre les différents mandats :
– Des habitants vers les élus pour adapter les politiques publiques aux besoins exprimés
– Des élus vers les habitants pour informer sur les projets portés par l’intercommunalité, en proposant des outils et des méthodes pour que les informations soient davantage accessibles et transparentes.

Il permet notamment d’animer des débats pour les petites communes qui n’ont pas les moyens d’avoir de l’ingénierie en interne.

Cette posture peut être une fonction ponctuelle, à certains moments de l’élaboration des travaux de l’instance et se combine avec d’autres postures.

Le Conseil de développement tiers garant

Le Conseil de développement tiers garant garantit la qualité démocratique des débats sur le long terme, au-delà du mandat politique. Il veille aux conditions dans lesquelles sont menées les concertations et au respect des règles qui ont été définies. Il permet l’expression libre des individus et fait entendre la parole des « invisibles », en repérant et mobilisant les acteurs non-repérés par les collectivités dans les débats.

Il apporte un regard neuf et synthétique, une tierce opinion intégratrice et inclusive et un regard critique sur les documents produits.

La posture de tiers garant n’est pas la principale posture d’un Conseil de développement. Cette mission peut être inscrite à l’intérieur du Conseil de développement, dans un règlement intérieur ou une charte, pour garantir la qualité démocratique des débats et des travaux du Conseil de développement, co-construire une méthodologie adaptée à chaque sollicitation et en valider la démarche. Le Conseil de développement peut exercer cette posture en réponse aux demandes extérieures à la collectivité : acteurs organisés (associations, collectifs), de citoyens, etc.

Le conseil de développement porteur de projets

Le Conseil de développement porteur de projets est un incubateur de solutions pour le territoire. Il porte des expérimentations et accompagne les idées. Après une phase d’amorçage, les projets sont susceptibles de sortir du Conseil de développement (création d’une association, d’une SCOP ou autre forme…).

Le Conseil de développement anime une communauté d’acteurs pour identifier les besoins sociaux non couverts et concevoir des réponses.

Ce profil est plus fréquent dans les territoires ruraux.

 

Pour aller plus loin, une synthèse de la journée est disponible sur demande.

Note méthodologique

* Le séminaire a été conçu par une équipe réunissant Marie Brazeau – communauté de communes d’Erdre & Gesvres, Anne-Laure Garcin – métropole de Lyon, Pierre Lefevre Toulouse métropole, Isabelle Moreau – GrandAngoulême, Marine Resson Communauté d’agglomération de St Nazaire et Alexandra Vidal – CNCD.

Les participant·es se sont répartis en 13 tables de discussion, réunissant entre 7 et 9 personnes  – membres bénévoles et technicien·nes. Un facilitateur ou une facilitatrice était présent·e pour animer les échanges dans chaque table : Florence Fresnault – Tours métropole Val de Loire, Isabelle Moreau – GrandAngoulême, Marion Sevrin – Valenciennes métropole, Marine Resson – communauté d’agglomération de St Nazaire, Marion Bon – PETR du Pays d’Arles, Maryse Larpent – Métropole et Pays de Brest, Gaëlle Chapon – métropole de Rennes, Sandrine Castel-Biderre – Loire Angers, Pierre Lefevre – Toulouse métropole, Sandrine Bozzetti – métropole du Grand Nancy, Anne-Laure Garcin – métropole de Lyon, Jilali El Rhaz – Pays de Montbéliard agglomération – Nadia Khammar – St Etienne métropole, Alexandra Vidal – CNCD.

Chaque participant a travaillé sur 2 profils de Conseil de développement, en identifiant des facteurs de réussite et points de vigilance.

Nous remercions l’ensemble des techncien·nes qui se sont impliqué·es dans le cadre du séminaire de travail et lors de la journée du 6 février.

 

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