La démocratie participative s’invite dans la campagne électorale : des propositions qui restent centrées sur la commune

démocratie participation citoyenne

Les élections municipales et intercommunales sont marquées par la montée en puissance de la thématique de la participation citoyenne dans les programmes électoraux. Cet engouement est une réponse aux évènements que nous avons vécus depuis fin 2018 : mouvement des Gilets Jaunes, organisation d’un Grand Débat National, mise en place d’une conférence citoyenne pour le climat avec 150 citoyen∙nes tiré∙es au sort,… Un « impératif participatif » s’impose, avec l’idée que les élu∙es ne peuvent plus se contenter des suffrages exprimés à l’occasion des élections et doivent chercher à mobiliser les habitant∙es entre les scrutins.

Cette montée en puissance de la participation citoyenne est visible à l’échelle communale, alors que les propositions restent limitées à l’échelle intercommunale. Pourtant, c’est à l’échelle des groupements de communes que s’exercent de nombreuses compétences en matière de gestion des déchets, assainissement, voirie, gestion des grandes infrastructures, mobilités, développement économique,… Alors que les communautés  sont dotées de budgets significatifs dépassant les 50 milliards d’euros, les citoyen∙nes sont rarement impliqué∙es dans les choix politiques qui orientent les projets. Il est donc nécessaire de faire progresser la participation citoyenne dans les intercommunalités, en expérimentant de nouvelles initiatives adaptées à chaque contexte local, tout en restant vigilant sur leur portée, leur objet et leur encadrement.

Dans les programmes électoraux, un volet démocratie participative centré sur l’échelle communale

A l’occasion des prochaines élections municipales et intercommunales, de nombreux programmes électoraux proposent d’introduire de nouveaux dispositifs pour faire participer les habitant∙es à la vie publique : création de budgets participatifs, mise en place de plateforme numérique participative, transformation des conseils de quartier avec introduction du tirage au sort, mise en place d’un référendum local d’initiative,…

Les propositions sont nombreuses, avec des degrés divers d’association de la population. C’est pourquoi un collectif de citoyens militants grenoblois et deux chercheurs en droit et science politique ont lancé un outil d’évaluation des programmes électoraux en matière de participation, le Participomètre. Chaque programme électoral est évalué selon cinq critères : l’inclusion, la capacité à formuler une prise de position collective, les chances de déboucher sur une décision, les domaines sur lesquels les habitants peuvent participer et la possibilité pour les habitants de prendre des initiatives. Élaborée par Camille Morio – maîtresse de conférences en droit public à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye et Raul Magni-Berton, professeur de science politique à Sciences Po Grenoble, cette grille a été discutée avec les citoyens, et avec des candidat∙es à l’élection de mars 2020.

Cette expérimentation d’évaluation des programmes électoraux sur le volet participation citoyenne est récente, elle pourrait être enrichie pour les prochaines élections en explorant les propositions portées à l’échelle intercommunale.

La participation citoyenne à l’échelle intercommunale passée sous silence

Dans un édito publié le 6 décembre 2019, l’Institut pour la Concertation et la Participation citoyenne (ICPC) rappelle que les Conseils de développement sont l’ « un des seuls lieux de mise en débat et de prospective des politiques publiques » à l’échelle intercommunale. L’ICPC identifie un risque de créer un hiatus entre les lieux on l’on débat et ceux où l’on décide, lorsque l’essentiel des démarches de participation citoyenne se concentre sur l’échelle communale.

Alors que les communautés exercent de nombreuses compétences en matière de gestion des déchets, assainissement, voirie, gestion des grandes infrastructures, mobilités, développement économique et sont dotées de budgets significatifs dépassant les 50 milliards d’euros, les citoyen∙nes sont rarement impliqué∙es dans les choix politiques qui orientent les projets.

Le guide publié par l’Assemblée des Communautés de France « Concerter à l’échelle intercommunale » pointe des arguments fréquemment avancés pour expliquer la difficulté de mettre en place des démarches de participation citoyenne à l’échelle intercommunales :

  •  L’intercommunalité serait moins connue des citoyen∙nes que la commune, le département ou la région. Les démarches menées à cette échelle seraient donc perçue comme moins légitimes, le dialogue direct avec le citoyen ayant longtemps été considéré comme l’apanage du maire sans que l’intercommunalité y trouve une place.
  • Les thématiques propres au périmètre intercommunal seraient trop techniques. Les sujets seraient complexes et plus difficiles à mettre en débat dans le cadre d’une concertation.
  • Les habitant∙es s’identifieraient d’abord à une commune et se sentiraient moins concerné∙es par le périmètre intercommunal, qu’ils connaissent moins bien.
  • Des tensions entre les communes et l’intercommunalité à laquelle elles appartiennent limiteraient les marges de manœuvre pour organiser la concertation à l’échelle intercommunale.

Le guide note que ces explications s’appuient bien souvent sur une méconnaissance et un manque de légitimité démocratique de l’intercommunalité : méconnaissance des élus, du territoire, des compétences, de la collectivité… Or, encourager les pratiques participatives intercommunales pourrait améliorer considérablement la (re)connaissance de l’intercommunalité par les citoyen∙nes.

Assurer la transition démocratique dans toutes les intercommunalités par de nouvelles pratiques

Actuellement résumé à la présence des Conseils de développement et aux actions diverses conduites à l’initiative propre de chaque intercommunalité, le champ de la démocratie participative reste très largement à imaginer et à institutionnaliser, tout en préservant l’idée d’agilité et d’indépendance.
Les procédures, les méthodes, les outils sont très nombreux et plutôt bien connus, mais ils ne sont que trop rarement mobilisés, même si d’importants progrès ont pu être constatés ces dernières années.

4 principes à suivre pour faire progresser la participation citoyenne dans les intercommunalités

    1. Généraliser les guides ou chartes de la participation pour exprimer clairement les règles du jeu de la concertation sur l’ensemble du processus, depuis la définition du cadre jusqu’au compte-rendu des choix réalisés. Assurer un retour explicite et pédagogique sur les choix réalisés par les élu∙es au regard des avis citoyens. Pour les Conseils de développement, instaurer un droit de suite pour objectiver avec les élu∙es et les services les suites données aux différentes contributions.
    2. Préciser dans chaque intercommunalité la nature et le coût des projets qui devraient être obligatoirement soumis à concertation et veiller au respect des principes de la participation du public aux processus d’élaboration de l’action publique intercommunale. Les grandes intercommunalités pourraient ainsi créer un dispositif de type Commission métropolitaine ou intercommunale du débat public. En s’inspirant de la Commission nationale du débat public, la Commission déterminerait les conditions d’information du public, délivrerait des conseils aux maîtres d’ouvrage, des recommandations méthodologiques,… Dans les autres intercommunalités, la même ambition de qualité des débats publics pourrait s’appliquer projet par projet, en nommant un garant du débat ayant les mêmes responsabilités et prérogatives.
    3. Ouvrir la concertation le plus en amont possible et préciser les modalités de concertation, de participation et d’évaluation pour l’élaboration de grands programmes intercommunaux. La concertation ne peut se réduire à un avis émis une fois le projet défini, ce qui risquerait de conforter l’impression d’un simple formalisme et d’une décision quasiment prise.
    4. Expérimenter de nouvelles initiatives adaptées à chaque contexte local, en restant vigilant sur leur portée, leur objet et leur encadrement. 2 exemples :
      – Un budget participatif à l’échelle intercommunale. Déjà organisée dans plus de 80 villes et collectivités en France, une telle initiative aurait de nombreuses vertus : pallier l’absence criante de communication sur les compétences de l’intercommunalité et renforcer sa notoriété, associer à la vie communautaire ou métropolitaine des acteurs plus locaux (associations, groupement d’habitants, …), intéresser les jeunes, permettre la réalisation d’initiatives directement axées sur des compétences intercommunales, …
      – Une intervention directe du citoyen à l’échelle intercommunale pour favoriser l’appropriation des grands dossiers du territoire. Des dispositifs existent, le droit de pétition (article 72-1 de la Constitution) et le referendum local (article LO1112-1 du CGCT qui en réserve l’initiative à la seule collectivité). Les intercommunalités ne peuvent actuellement pas y avoir recours, car ces procédures sont strictement réservées aux collectivités de plein exercice, telles que définies dans la Constitution. Leur élargissement aux institutions intercommunales et à l’initiative citoyenne constituerait une avancée majeure en matière de démocratie.

Le projet de loi « 3 D » décentralisation, différenciation et déconcentration en cours de préparation pourrait donc permettre d’ouvrir des expérimentations dans le champ de la démocratie participative. Les Conseils de développement réunis en Coordination nationale sont prêts à initier un dialogue avec les institutions nationales et les responsables politiques pour imaginer de manière conjointe l’ensemble des dispositions permettant d’assurer cette transition démocratique, mais aussi rendre possible des expérimentations.

 

Pour aller plus loin

L’intercommunalité, l’autre enjeu des municipales, Revue Projet 28/02/20
Rémi Lefebvre : « Pour les municipales, on va chercher des citoyens faute de troupes et de militants locaux », Acteurs Publics 10/03/20
Guide « concerter à l’échelle intercommunale » publié par l’AdCF
– Le Participomètre
Manifeste de Médiacités, journal d’investigation implanté dans quatre métropoles (Lille, Lyon, Toulouse et Nantes) : 25 mesures ​​pour une démocratie locale réelle

 

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