Convention citoyenne pour le climat : quelles suites dans les territoires ?

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Entre  octobre 2019 et juin 2020, 150 citoyen·nes tiré·es sort ont débattu et préparé des propositions pour réduire d’au moins 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, dans une logique de justice sociale.

Les 149 propositions pour accélérer la lutte contre le changement climatique ont été transmises au gouvernement et présentées de manière officielle au Président de la République le 29 juin, lors d’une cérémonie organisée à l’Elysée. Le Président de la République s’est engagé à ce que ces propositions législatives et réglementaires soient soumises « sans filtre » soit à référendum, soit au vote du parlement, soit à application réglementaire directe.

Pour assurer le suivi des propositions, les citoyens tirés au sort ont créé une association, les 150. Ils entendent faire vivre leurs travaux et réflexions autour de temps d’échanges avec citoyens (webinaires), parlementaires, élus locaux, réseaux associatifs. Ils sont joignables par email et twitter.

Un prolongement pour les 150 : mettre en débat leurs propositions à l’échelle intercommunale

Parmi les 149 propositions, de nombreuses mesures concernent une échelle plus locale. En effet, les communautés de communes, d’agglomération ou urbaines, les métropoles exercent des compétences et ont des budgets significatifs en matière d’urbanisme, de mobilités, plan climat air-énergie, développement économique pour citer quelques exemples.

L’un des prolongements de la Convention citoyenne pour le climat pourrait donc de mettre en débat ses propositions à l’échelle des 1254 intercommunalités, pour qu’elles puissent être intégrées dans les politiques publique locales.

Les conseils de développement, déjà organisés, en capacité de mettre en débat puis de formaliser de façon collective des propositions utiles aux décideurs locaux peuvent être des alliés pour y parvenir.

Premier croisement des propositions avec les travaux des conseils de développement

La convention citoyenne pour le climat a travaillé sur 5 grandes thématiques :

  • Se déplacer. Les déplacements représentent aujourd’hui 30% des émissions de gaz à effet de serre en France. Mieux se déplacer personnellement et transporter autrement les marchandises est essentiel.
  • Consommer. Nos habitudes de consommation voire de surconsommation, ont un fort impact sur l’environnement. Une consommation plus sobre et vertueuse est possible quel que soit son pouvoir d’achat.
  • Produire et travailler. Le passage à une société décarbonée implique de transformer pleinement l’appareil de production et les métiers. Travailler et produire différemment s’impose.
  • Se loger. Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l’habitat, il faut revoir les bâtiments dans leur ensemble. Comment se loger dans une ville végétalisée, rénovée et moins polluante ?
  • Se nourrir. Se nourrir est un besoin vital qui génère de nombreuses émissions de gaz à effet de serre. Comment réinventer un système alimentaire durable et accessible à tous d’ici 2030 ?

Nous proposons ici un premier regard croisé entre les propositions de la convention citoyenne et les travaux de conseils de développement, à partir de quelques contributions à retrouver dans la rubrique avis et contributions.

Se déplacer

Alors que plusieurs propositions des 150 citoyens traitent du développement des transports doux ou partagés et de la généralisation des plans de mobilités, les conseils de développement abordent fréquemment la problématique de l’intermodalité et des alternatives à la voiture solo dans le cadre d’une contribution sur le plan de déplacement mobilités (précédemment appelé plan de déplacements urbains) ou dans le cadre d’une réflexion sur les déplacements domicile-travail par exemple.

Comme le souligne le Conseil de développement de la métropole de Rennes, « l’alternative à la voiture solo est jugée crédible lorsque l’organisation de l’offre de transports et des services permet de réaliser son trajet à porte de façon fluide, sécurisée et optimisée en temps. Toute difficulté dans la maîtrise de cette organisation constitue potentiellement un frein à l’intermodalité. »

Découvrir la contribution du Conseil de développement de la métropole de Rennes

Le travail mené en commun entre les Conseils de développement de Saint-Nazaire Agglomération, Cap Atlantique, Sud Estuaire, Pontchâteau-Saint-Gildas, Pornic Agglo Pays de Retz et Estuaire et Sillon montre que les citoyens sont en attente de nouveaux moyens de déplacement, que ce soit pour des raisons personnelles ou professionnelles. Ils sont conscients que l’usage exclusif de la voiture, notamment en milieu rural et périurbain, doit être complété et remplacé par des alternatives moins couteuses et moins polluantes. Une solution unique et applicable sur l’ensemble du territoire ligérien ne peut pas s’imposer par nature, compte tenu des disparités géographiques, de densité de population, de situations et donc d’équipements publics. Le développement de lignes de bus ou de transports à la demande, solution fréquemment envisagée par les élus, ne répond pas à la préférence pour les modes individuels qui ressortent dans les enquêtes de terrain.

Consulter les travaux des Conseils de développement du territoire ligérien sur les déplacements domicile-travail.

L’Espace Citoyen du Grand Annecy, sollicité pour proposer des pistes pour faire évoluer les comportements vers l’utilisation de modes de transports doux et une réduction de l’autosolisme, a recommandé la mise en place d’un projet global piloté par des ambassadeurs de la mobilité, pour prendre en compte les besoins de tous les citoyens.

Découvrir les travaux de l’Espace Citoyen du Grand Annecy

Se loger

Sur la thématique « Se loger », les membres de la convention citoyenne souhaitent encourager fortement les propriétaires occupants et les bailleurs à rénover massivement les logements, en facilitant l’accès aux aides par la mise en place de « guichets uniques ».

Le Conseil de développement de Loire Angers, constatant que les logements représentent 18 % des émissions de GES et 28 % des consommations énergétiques sur le territoire du pôle métropolitain, propose 3 pistes pour tendre vers un parc immobilier sobre et performant. La rénovation des logements existants doit permettre de concentrer les financements publics sur l’aide technique et financière à la rénovation.

Découvrir la contribution du Conseil de développement de Loire Angers

Le Conseil de développement de la Métropole Aix-Marseille Provence, dans sa contribution au Plan Climat Air énergie métropolitain publié en décembre 2019, a notamment proposé la mise en place d’un guichet unique d’informations sur les dispositifs d’aide à la rénovation énergétique, doublé d’une campagne de communication ciblée.

Sur la question du développement des énergies renouvelables, le Conseil de développement de l’agglomération de Saintes en 2019 a formulé 10 propositions pour mobiliser et impliquer les habitants.

Protéger les espaces naturels et limiter l’artificialisation des sols sont également au cœur des préoccupations des conseils de développement. Comme le souligne le Conseil de développement du Grand Nancy, « la densification de la ville sur elle-même, si elle est nécessaire, engendre son lot de nuisances (pollutions), de désagréments (manque d’espaces, de zones de respiration) ». Le Conseil de développement a ainsi proposé de créer un « parc naturel urbain » pour valoriser les ressources naturelles du territoire, offrir des activités aux citoyens (loisirs, échanges, éducation,…) et intégrer le naturel dans des formes très diversifiées même dans les zones les plus denses.
Téléchargez la contribution «Du Droit du sol au Projet de société» rédigée dans le cadre de l’élaboration du Plan Local d’Urbanisme intercommunal du Grand Nancy

Se nourrir

Le Conseil de développement de la métropole de Lyon appelle à co-construire la stratégie alimentaire avec l’ensemble des acteurs économiques concernés (producteurs, transformateurs, distributeurs) mais aussi à prendre en compte les conditions d’acceptabilité et d’appropriation par la population dans sa diversité, pour développer une alimentation saine et durable. Les Conseils de développement de Saint-Etienne, Vienne Condrieu Agglo, Nord-Isère, Villefranche Saône-Beaujolas et de la Métropole de Lyon ont initié un travail en commun pour engager une coopération à l’échelle du Pôle Métropolitain. Les questions du foncier agricole, de la montée en gamme des produits locaux, de la transformation et de l’approvisionnement des produits montrent des interdépendances entres les territoires, mais aussi des paradoxes. Malgré une forte production locale, les produits locaux restent peu distribués vers les marchés locaux. Comment renforcer l’autonomie alimentaire et nourrir demain une population de presque 3 millions d’habitants ? Comment organiser les approvisionnements, tout en répondant aux attentes des consommateurs en termes de prix ?

Télécharger la contribution du Conseil de développement de la Métropole de Lyon à la stratégie alimentaire et la note introductive sur la question agricole et alimentaire et sur la nécessaire coopération interterritoriale à engager.

Pour aller plus loin : réinventer une planification partagée articulée avec les différentes échelles territoriales

La convention citoyenne pour le climat a démontré la capacité de 150 citoyen·nes qui n’étaient pas forcément sensibilisés aux questions du changement climatique et de la protection de l’environnement à s’approprier une problématique complexe, à s’informer, mettre en débat des présentations d’experts pour construire une contribution collective. Des moyens d’accompagnement ont permis de mettre en place des méthodes de débat, d’intelligence collective et de communication pour transformer les échanges en propositions législatives / règlementaires ou mesures soumises à referendum.

L’expérience des conseils de développement montrent que ces méthodes et moyens d’accompagnement sont indispensables pour passer d’un échange de vue à une réflexion construite à partir des accords et désaccords entre les participants, grâce à leur expertise d’usage et de leurs expériences en tant que salariés, bénévoles actifs, retraités, étudiants…. La généralisation de ces expériences permet de nourrir une citoyenneté informée, réfléchie et responsable.

Comme le souligne le Président de l’Assemblée nationale dans un courrier adressé au Président de la République le 1er juillet, l’enjeu réside désormais dans la capacité  de réinventer « une planification partagée », articulée avec les différentes échelles territoriales. La planification ne peut être « descendante », l’État ne peut plus être le « seul sachant ». Un dialogue doit être organisé entre les collectivités territoriales, les partenaires sociaux, associatifs, les instances participatives pour anticiper les conséquences concrètes des grandes évolutions et les conséquences des futures crises qui lient santé et environnement. Les propositions ne sont pas toutes de nature législatives, elles sont d’abord et avant tout « organisationnelles et culturelles », ce qui rend plus que nécessaire de rendre ce dialogue vivant à toutes les échelles.

Sur la base de notre expérience de terrain, nous considérons que les enjeux les plus importants pour le succès de la stratégie écologique de la France se situent non pas principalement dans la conception mais dans l’exécution : d’une part déclinaison de la stratégie dans et par les territoires, selon des processus concertés avec les acteurs et les citoyens volontaires ; d’autre part sensibilisation du grand public aux enjeux, information sur les actions locales existantes, encouragement et accompagnement d’initiatives, mise en synergie de la multiplicité d’initiatives citoyennes, et in fine, changement des comportements des habitants / usagers / consommateurs.

Lire notre contribution adressée à la Convention Citoyenne pour le climat en décembre 2019

Toutes ces actions nécessiteront un travail de proximité, une ingénierie d’animation, de coordination et de liaison entre les décideurs publics, l’écosystème des acteurs et les citoyens, avec une large mobilisation de bénévoles. Les instances permanentes de démocratie participative (conseils de développement, conseils de quartier, conseils citoyens et autres…) devront y jouer un rôle.

Pour aller plus loin : quelques informations sur l’organisation de la Convention Citoyenne pour le Climat

Le panel de 150 citoyens a été constitué par un tirage au sort avec des critères pour refléter la diversité de notre société : âge, origine géographique, catégorie socio-professionnelle,…  Accueillis par le Conseil Économique Social et Environnemental (CESE), les membres de la convention citoyenne ont bénéficié d’un important dispositif d’accompagnement – un groupe d’appui composé d’experts techniques et juridiques, animation des échanges par des professionnels de la participation pour garantir la neutralité et la sincérité des débats, équipe de personnes ressources pour répondre aux questions, audition de personnalités qualifiées,…

L’organisation de la convention citoyenne pour le climat a été confiée au CESE, avec l’attribution d’un budget de 5 389 126 d’euros pour l’animation de la convention, la logistique, la prise en charge des 150 membres : défraiements, indemnités et frais de garde d’enfant, communication, appui à la gouvernance, organisation du tirage au sort,…

Un Comité de gouvernance indépendant du Gouvernement a été mis en place pour assurer l’accompagnement de la Convention, préserver son indépendance et le respect de sa volonté. 2 co-présidents –Thierry Pech et Laurence Tubiana ont été nommé, ainsi qu’un rapporteur général, Julien Blanchet – vice-président du CESE.

 

 

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