Ouverture des 13e Rencontres des Conseils de développement
Dominique Valck, coprésident de la Coordination Nationale des Conseils de développement a ouvert les 13e Rencontres des Conseils de développement. Retrouvez son discours introductif ci-dessous
Depuis les dernières rencontres nationales de Sète en 2018, plusieurs évènements ont bousculé les petits outils de la République que nous sommes, que sont les Conseils de développement, dans un écosystème participatif malheureusement trop archipelisé.
La crise des gilets jaunes et ses facteurs déclenchants, le Grand débat national en guise d’issue de secours, la convention citoyenne pour le climat – l’un et l’autre ayant méthodiquement ignoré l’ensemble de l’écosystème participatif en général et les conseils de développement en particulier.
Ajoutons à cela une pandémie qui n’en finit pas et qui est venue remettre en cause un certain nombre de certitudes, sur lesquelles de nombreux conseils de développement sont venus réfléchir dans le cadre de l’initiative des Métamorphoses. Il s’agissait d’imaginer ce monde d’après, inventer, oser, expérimenter et surtout donner tort à Michel Houllebecq qui a affirmé que le monde d’après serait comme le monde d’avant mais en pire.
Dans ce contexte, nous avons assisté à 2 évènements significatifs, qui sont le résultat d’une crise de sens :
- un effondrement de la participation à l’occasion de trois élections locales à très forts enjeux sur le quotidien des citoyens : municipales, départementales et régionales. Des légitimités, que nous ne contestons pas pour autant, se sont construites parfois sur moins de 15% des inscrits : c’est d’ailleurs là que l’idée de démocratie continue peut venir redonner du sens à la légitimité.
- une remise en cause de notre existence, en l’absence totale de débat, d’évaluation et d’analyse. Alors que de très nombreux conseils de développement étaient venus au secours de leurs élus – à leur demande, durant le Grand Débat national, nous avons été identifiés comme des irritants de la loi NOTRe, ce qui a conduit au projet de nous éradiquer, à l’occasion de la loi Engagement et Proximité. Grâce à la mobilisation de notre réseau et avec le soutien de députés de toutes obédiences, nous avons évité le pire. Soyons en toutes et tous fiers et remerciés, et ne doutons jamais de la qualité de notre impertinence dialoguante pour enrichir la décision publique au bénéfice des communs.
Dans son traité nouveau d’art politique « Comment gouverner un peuple roi? », Pierre-Henri Tavoillot dresse un triple constat, qui a une résonance particulière aujourd’hui. La démocratie libérale souffre d’une terrible crise de la représentation, d’une grande impuissance publique et d’un profond déficit de sens. Autrement dit, elle aurait perdu en cours de route le peuple qui l’a fondé, le gouvernement qui la maintient et l’horizon qui la guide. Aujourd’hui, nous sommes au seuil d’une décennie critique qui nous impose de nous consacrer dès maintenant et sérieusement à l’écriture du nouveau contrat écologique et social dont le projet de société a besoin. Ce contrat ne pourra pas se faire au dépend de, mais au bénéfice de, dans l’objectif central des transitions, de leur acceptabilité et surtout de la territorialisation de leur mise en œuvre.
Le rôle des conseils de développement peut être déterminant dans cette réussite. D’abord et comme nous le répétons, il n’y aura pas de transitions écologiques et sociales réussies sans une transition démocratique. Celle-ci repose sur une nouvelle alliance entre représentation et participation, entre élus et citoyens, entre pragmatique et sensible, entre vision et traduction au quotidien. Il est urgent d’y travailler ! Les mois passés nous ont enseigné que la défiance prend une tournure inquiétante en se canalisant maintenant sur les institutions. En cela notre rôle d’animateur du débat territorial est essentiel.
Ensuite, notre capacité d’animation du débat territorial peut permettre d’apporter un éclairage complémentaire à la décision finale qui sera prise, non pas à la marge ou de manière symbolique – alors que tout serait décidé, mais le plus amont possible et au cœur. Cette démarche de co-construction et d’influence réelle de la décision est l’expression d’un besoin traduit par l’ingénierie citoyenne, pour enrichir le choix et la décision.
Enfin, nous apportons une lecture du territoire inattendue avec ce que nous pouvons appeler “l’ingénierie du sensible”, c’est-à-dire notre capacité à inventer des méthodologies pour mettre en dialogue les citoyennes et citoyens invisibles, silencieux, repliés, fatigués, désenchantés mais concernés. Les citoyennes et les citoyens qui pensent que leurs idées, leurs attentes, leurs envies, leur vision de la vie sont sans intérêt. Sans démagogie, avec discernement, tous ces signaux faibles sont nécessaires pour construire la suite. N’oublions pas les citoyennes et les citoyens engagés qui ont cette connaissance singulière du territoire par l’usage, qui ont l’amour de leurs racines, un devoir de facilitateur. C’est l’essence même des Conseils de développement et de leurs missions, reflet de maintenant plus de 20 ans d’expérience.
Ne pas tenir compte de tous ces facteurs, ne pas être capables de capitaliser et construire sur ces énergies à la fois discrètes et exubérantes est l’erreur à ne plus commettre. Alors il est de notre rôle, pas seulement de la Coordination nationale mais de nous toutes et tous, de convaincre et rassurer l’ensemble des exécutifs, de la République des territoires au sommet de l’État, que cette nouvelle alliance est nécessaire, possible, réaliste, apaisante et prodigieusement créative pour réenchanter la démocratie et réussir ce défi d’humanité que sont les transitions.
En cela, le thème central de nos journées, agir ensemble pour les transitions, est la meilleure traduction de notre volonté de réussir avec pour éviter de fragmenter la société, éviter les chapelles prétendant réussir contre ou réussir sans la représentation et les institutions.
Avec Yves, le Conseil d’administration et le particulièrement dynamique comité d’organisation, nous sommes enchantés de déclarer ouvertes les 13èmes rencontres nationales des Conseils de développement et de vous souhaiter de très beaux moments de construction, de découverte et de partage pour repartir regonflés à bloc … Ces rencontres sont placées sous les auspices de l’altérité, peut-être la plus belle expression de ce que nous sommes par notre capacité à construire, sur la richesse de nos différences, l’écosystème non pas d’un projet abouti que l’on nommerait démocratie mais d’un processus continu.
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